- BLEEEEEHG!

… La fille en train de gerber son estomac derrière un arbre: c’est moi.

Comment vous dire que depuis quelque temps, mon état se dégrade? Tout a commencé quand Johannes est décédé. Il y a eu beaucoup de tristesse et de nuages noirs… Je me disais que ça ne pourrait jamais être plus douloureux que ça, que ça passerait…

Sauf que je me trompais. Mon état s’est dégradé. J’ai commencé à avoir de fortes migraines comme celles que j’avais pu connaître pendant ma scolarité, tout ça accompagné de fortes nausées au point que manger est devenu un problème et avec tout ça (comme si ça ne suffisait pas) des vertiges.

Raymond m’a supplié d’aller voir le médecin, mais jamais je ne l’ai fait pour la simple et bonne raison que je n’avais pas envie d’étaler ma vie personnelle. Je le fais déjà avec ma psy et c’est déjà très, très contraignant.

Cependant, j’ai dû accepter de déléguer pas mal de mon travail pour me reposer… Ça n’a pas fait de différence. Je me sentais toujours plus seule, toujours plus faible quoique plus près de mes WC, mais bon… Certains avantages ne sont pas vraiment très glorieux.

Aujourd’hui, je me suis dit que je pourrais aller faire un tour entre les arbres histoire de prendre un grand bol d’air frais.

Alors me voilà, avec mes deux chiens. Galeb flaire des odeurs avant de trouver une branche digne de son attention et Saucisse marche à côté de moi, trop inquiet de me laisser seule.

- Tu devrais te dégourdir les pattes mon grand. Je suis là, le rassuré-je.

Il me fixe. Ce chien est une source de grand réconfort par moments… Comme s’il me comprenait. Parfois je me demande s’il n’est pas humain. Soudain, un vertige me prend. C’est comme si mon esprit se dissociait de mon corps un instant… Pourquoi… Pourquoi est-ce que je ne te reconnais plus? Pourquoi toi et moi on ne se comprend plus? On avait pourtant l’habitude de tout supporter ensemble, non? Qu’est-ce qui a changé entre nous?

Alors que nous nous apprêtons peut-être à passer un chemin, un cheval lancé à vive allure, nous coupe la route. Nous nous figeons, nous demandant ce qu’il vient de se passer.

Soudain, je vois un hurluberlu se diriger vers moi en agitant la main. Il a l’air mal en point. Ce doit être lui le cavalier de la monture… Pas si agile que ça si vous voulez mon avis, hein. Pas le temps de tituber plus que ça, un homme arrive, tel un monstre des marais.

- Bonjour ! Excusez-moi ! Désolé ! Est-ce que vous avez vu mon cheval ?? Il a eu peur d’une grenouille qui saute et est parti comme une flèche ! Je… Ah heu. Vous parlez anglais ? English ?

Il me fait des signes comme si j’étais une alien venu d’une autre planète, mais concrètement, c’est lui qui a l’air d’un alien avec ses feuilles de partout et son accoutrement. C’est plus fort que moi: je grimace en le regardant et Saucisse aussi. De quel asile s’est-il s’est échappé? … Ou peut-être que c’est le choc de la chute qui a été trop fort?

Galeb pose son bâton et se met à lui tourner autour pour le renifler.

- J’ai vu votre cheval, oui, dis-je avec mon accent très british. Il a failli nous rentrer dedans il y a à peine une minute.

Je soupire en regardant l’endroit par où il a fui.

- Vous avez l’air blessé. Restez là avec les chiens, je vais jeter un œil.

Je fais signe à Galeb et Saucisse de rester ici et l’un s'assoit devant lui tandis que l’autre continue de graviter autour de lui. Puis je commence à suivre le chemin emprunté.
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Perdre un cheval… Il fallait le faire. Pourquoi monter sur un cheval, si on ne sait même pas monter? Certaines choses m’étonneront toujours.

Rejetant une branche par ici, une autre par là, je tends l’oreille et guette les traces de pas sur le sol jusqu’à ce que je le retrouve enfin. Il broute de l’herbe sans se préoccuper de quoi que ce soit.

- Tu sais que t’as failli me renverser tout à l’heure?

Le cheval relève le cou vers ma direction. Il analyse la situation et se demande sûrement si je suis un danger pour lui. En signe de bienveillance, je lève les mains de part et d’autre de moi. Bien en évidence.

- Du calme le grand… Je vais pas te monter dessus. J’ai déjà le mal de terre alors j’imagine pas avoir le mal de cheval…

Je ne sais pas si cette bestiole le prendrait bien si je lui vomissait dessus. Probablement pas. Je m’approche doucement, tout doucement… Et fini par tendre la main vers lui. Bon je vous passe les détails, mais j'ai réussi à approcher le bestiau. Au point qu’il ne me refuse plus les caresses et se frotte parfois à moi… Où à mon tronc, j’ignore pourquoi. Peut-être qu’il a senti que j’avais le ventre retourné et que c’est sa manière de compatir?

- Tu es bien perspicace toi… Très vif. Avec des émotions brutes… et un certain côté impulsif. Un peu comme quelqu’un ici… Mais ne t’en fais pas… Contrairement à moi, tu as la chance d’être un animal. Personne ne te blâmera éternellement d’être ce que tu es.

J’attrape sa bride et rebrousse chemin tout doucement avant de surprendre mon chien avec cet inconnu…

- Oh la la, c'est un bon toutou ! Oui c'est un bon toutou ! Oh t'es vraiment tout doux des oreilles c'est ouf !

Je les fixe avant de rectifier ma grimace en un sourire de politesse.

- J’ai réussi à récupérer votre cheval…

Je m’approche et me tiens debout devant lui. Je fais signe à Galeb de s’écarter et fais un clin d'œil à Saucisse pour le féliciter.

- Vous avez l’air plutôt mal en point. Il vaudrait mieux remonter sur ce cheval. Je vais… vous reconduire jusqu’au club et vous emmener à l’hôpital, histoire de faire un check up. Ça vous va?

Je sens mon estomac se tordre et gargouiller encore, comme s’il préparait une partie deux. Oh pitié, pas devant l’inconnu roux. Déjà qu’il semble pas bien dégourdi, s’il se met à paniquer et gesticuler je cracherai mon foie dans la foulée.

- D’ailleurs… Je vous l’ai pas dit, mais je m’appelle Piper. Et vous? Vous êtes qui?

Je fais exprès de lui dire simplement mon prénom et de lui demander plus, à savoir, son identité. Peut-être qu’il jouera le jeu, peut-être pas… En tout cas, s’il ne le joue pas… Je n’irais pas plus loin.

… J’avais joué le jeu avec Johannes… Et maintenant…

Oh non… Vite. Pense à autre chose. Sinon tu vas rendre le “dîner” d’hier.

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