Fleur Bleue
Les portes de l'ascenseur ne font que de s’ouvrir et se fermer, dans un rythme saccadé. La montée vers l’étage voulu est lente et régulièrement interrompue. Rien à voir avec la montée de chaleur que provoque ce baiser avec Klein.
Malgré les défauts qu’il ne fait qu’exhiber depuis le début de notre rencontre, je ne peux qu’apprécier son authenticité. Il a accueilli ma pulsion avec appétit, y répondant avec intensité.
Il saisit mon poignet. Un frisson me hérisse l’échine. Je me presse contre lui. Nos tissus blancs sont lourds de l’eau de pluie et fusionnent ensemble, pour ne faire qu’un seul et unique vêtement clair humide. Ce contact est froid, trempé, désagréable ; en opposition à la chaleur qui émane doucement de l’épiderme de Klein, se confondant à ma peau. Chaque nouveau baiser de sa part augmente ma température interne, me fait rougir le visage.
J’ai envie d’attraper le col de sa chemise lorsque lui lâche quelque chose - la couverture je crois ?. J’exerce toujours une pression avec mon buste contre le sien. Il capture mon poignet mais j’ai son corps en otage, piégé contre le miroir de l'ascenseur.
Les portes continuent de s’ouvrir, embarrassées de dévoiler notre spectacle à un public involontaire, avant de se refermer avec pudeur.
Et Klein finit par inverser les places. D’une seule prise, il capture mes deux poignets. Je me retrouve bloquée dans le coin de l'ascenseur. Je grimace à travers ses lèvres lors de l’échange brutal, capturée dans une position inconfortable.
Lui s’en fiche, évidemment, et plonge son nez contre mes cheveux.
Je perds la tête.
Je lève les yeux, tend le menton vers le plafond pour offrir à mon partenaire toute ma nuque.
L’instinct prend les rênes, efface ma pensée. Mon dos se cambre, ma poitrine s’écrase contre le torse de Klein. Je lève la jambe pour que ma cuisse se presse contre la sienne, pour que mon pied vienne jouer à l’équilibriste alors qu’il s’enroule prudemment contre son genoux.
Je m’abandonne, accepte, pour l’instant, cette position.
Les portes s’ouvrent encore. Je tourne lentement la tête, ouvrant enfin les yeux. La lumière criarde de l’espace me cueille, m’aveugle, me surprend. Par dessus les cheveux blonds de Klein, j’aperçois une petite mémé. Mon regard fiévreux croise le sien, rond. L’une de mes mains, un peu plus libre que l’autre, adresse un piètre salut à cette voisine alors que les portes ne se referment.
Klein est haletant contre mon cou, son souffle chatouille ma peau. Tous mes sens sont en éveil.
Je l’aurai bien cherché.
Comme d’habitude.
Bon sang, papa est mort et je m’envoie en l’air dans un ascenseur avec un inconnu. Bien joué, idiote.
Je ferme à nouveau les yeux. Mes poignets gigotent, tentant de se défaire de leur prison, souhaitant engager une exploration. Mais j’imagine que quand Klein veut quelque chose, il l’obtient. Impossible de me défaire.
Sa bouche contre ma nuque, contre cette peau chatouilleuse, me tord le ventre. Je me dis qu’il faut que je parte avant que le loup ne mange l’agneau. Il faut que j’aille visiter ton appartement papa, commencer ton deuil.
Le problème, c’est qu’entre Klein et moi, je ne sais pas qui est le loup et qui est l’agneau.
Les portes s’ouvrent à nouveau, m’arrachant en sifflement d’agacement ; mais mes épaules se relâchent de soulagement lorsque je me rend compte que nous sommes arrivés à destination.
Je baisse la tête, bat des cils pour retrouver contenance. J’ai l’impression qu’un incendie a ravagé mon esprit et mon corps. Qu’un feu s’est propagé dans mes veines, faisant bouillir mon sang. J’ai la sensation d’avoir deux zones rouges bien définies sur mes joues, allant jusqu’à faire rosir mes oreilles.
J’humecte mes lèvres en les pinçant entre elles, comme si saliver allait pouvoir éteindre progressivement cette chaleur.
J’ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais me ravise. Je ne voudrais pas tout gâcher.
Ou peut-être que si.
Peut-être que je suis l’agneau qui se prend pour le loup.
KoalaVolant
Je reprends mon souffle, caresse doucement la courbe de son épaule avant de finalement la libérer. Je passe une main sur mon visage, en profitant pour replacer mes cheveux en arrière et j’ai un sourire amusé. C’est qu’elle me met dans tous mes états ma petite sauvageonne de la forêt. Je sens encore l’adrénaline de notre échange qui bat comme un second rythme cardiaque.
Une fois recoiffé, je ramasse finalement le tissu que j’ai laissé tomber sur le sol de l’ascenseur -non sans une petit grimace renfrognée- puis je me dirige vers mon appartement, Everdina à ma suite. Ni elle, ni moi n’ouvrons la bouche.
J’ai un peu de mal à enfoncer la clé de mon appart dans la serrure. J’ai encore Everdina partout sur la peau. Puis j’ouvre finalement mon appartement. Dans celui qui jouxte le mien, Sinter à son logement. Il a certainement vu ma voiture rentrée au garage, à certainement veillé mon retour et doit être tapis dans l’ombre de son hall d’entrée, sans avoir vraiment l’impression de pouvoir ouvrir la porte pour pouvoir s’assurer que je suis sain et sauf. J’en suis certain même car Dusk va renifler le bas de sa porte avant de revenir jusqu’à moi et rentrer à l’intérieur.
Le doberman s’arrête dans mon hall d’entrée, et je pose aussitôt le plaid qui recouvrait les sièges de ma voiture dans une petite manne à linge ronde que je garde toujours dans l’entrée. Puis je m’empare de l’essuie qui lui est réservé sur l’un des crochets de mon porte manteau -à l’écart de mes vestes bien entendu- pour le frictionner un peu histoire que son poil soit moins humide. Il sait qu’il peut faire sa vie après ça, mais qu’il n’a pas le droit de rentrer les jours de pluie si ce petit rituel n’a pas été effectué. Evidemment je suis plus assidu d’habitude, mais aujourd’hui j’ai autre chose à penser. Je lui ferai prendre un bain plus tard. Alors que je m’assure qu’il est suffisamment sec pour pouvoir rentrer, j’entame pour ma petite invitée :
- Bienvenue chez moi.
Ça me fait bizarre de dire ça. A vrai dire l’endroit me ressemble déjà bien mais en même temps tout m’est étranger dans cette ville. Ce n’est pas chez moi. Pas vraiment. Pas encore.
Mon regard se relève pour observer la jeune femme. Evidemment, elle ne doit pas trouver l’endroit exceptionnel. L’appartement est plutôt moderne et neuf mais il est assez vide pour le moment. J’ai sorti quelques ustensiles de cuisine il y a quelques jours, qui sont méthodiquement rangés sur mon plan de travail. A côté traîne deux-trois caisses destinées à la cuisine. Il y a une corbeille de fruits sur l'îlot central, et un pot rectangulaire mélangeant thym et romarin sur l’appui de fenêtre.
Quant au salon qui jouxte ma cuisine partiellement ouverte, il est encore plus vide. Juste des cartons empilés de ci de là et quelques petits jouets I-tech que j’ai déjà sortis et qui trônent en rang sur une table basse à côté de la télévision qui est quant à elle ancrée dans le mur. Face à la fenêtre, un tapis de course et juste à côté, un rameur délimite la zone dans laquelle je fais mon sport quotidien. Dusk se couche dans un large panier au pied du fauteuil en cuir et pousse un bâillement qui laisse entrevoir sa large mâchoire.
L’endroit respire la propreté et le calme. Mais il suffirait d’avoir les clés de mon bureau ou me surprendre quand je cuisine pour découvrir la tempête que je peux être quand je suis occupé à quelque chose. Remarque… Je pense que Dina en a déjà un bon aperçut. Mes yeux brillent doucement, dévorant sa silhouette gracile des yeux. J’aime sa fragilité apparente autant que j’apprécie son caractère intraitable qui ne plie pas face à l’adversité. Elle a encore les joues et le cou rougis par notre petit préambule. Lorsque ces cheveux caressent cette zone délicate de son corps, ils ajoutent une dimension supplémentaire de féminité, créant une symphonie visuelle captivante.
Je me relève après avoir retiré mes chaussures dans l’entrée-je ne supporte pas les gens qui portent leurs souliers chez eux. Pourtant, je viens d’un milieu ou tu te balades en tenue de travail à tout va jusqu’à te traîner dans une bannette pour quelques heures encore tout habillées. Les notions d’hygiène ne sont venues que très tard. Mais avec les années, j’ai appris à établir des limites à ce que ma jeunesse m’a dicté.
Je me rapproche lentement d’Everdina, conscient du silence qui règne ici, seulement brisé par le léger ronronnement du lave-vaisselle qui tourne doucement. Rien avoir avec la tempête qui nous animait quelques minutes plus tôt. Mes doigts viennent jouer avec l’une des bretelles de sa robe et je lui propose avec un petit sourire en coin :
- On pourrait profiter d’un bain tous les deux…
La peau sèche de mes mains vient frotter contre celle, douce, des épaules de la jeune femme alors que mes yeux dévorent son regard aux teintes forestières. J’ai la chance de posséder un bain immense. C’était d’ailleurs mon premier critère dans la recherche de mon appartement à New Amsterdam. Comme quoi, mes habitudes étranges ne me desservent jamais. Et je dois avouer que faire l’amour dans l’eau, c’est quelque chose que j’aime.
Fleur Bleue
L'ascenseur s’ouvre, et les portes laissent passer une nouvelle atmosphère. Le dernier étage vient nous demander d’arrêter ces préliminaires et de nous comporter comme des adultes.
J’adresse un regard amusé à Klein, en réponse à son sourire taquin. Je suis assez surprise de découvrir que, même dans ce genre de moments, où le désir doit s’arrêter brutalement, lui et moi sommes sur la même longueur d’ondes. C’est reposant, entre autres.
Il me relâche, se recoiffe. Quelle princesse. S’il pouvait se remaquiller, il le ferait.
Il sort de l'ascenseur. Je le suis, mais avant cela je me tourne vers le miroir dans mon dos. Juste pour savoir si la sensation lourde de l’eau signifie que j’ai une apparence vaseuse, ou si c’est simplement une impression. Chaque baiser de Klein, chaque pression de sa part, ont rougi ma peau sensible. Des ronds vermillons rappellent sa présence, comme si on m’avait marqué au fer rouge. Mes cheveux sont si emmêlés qu’ils ont presque l’air ondulés. Voilà donc la meilleure technique pour les boucler. Je vais jeter mon fer à lisser.
Je vois mes tétons pointer sous le tissu de ma robe. Le coton blanc de celle-ci ne laisse aucune pudeur à ma poitrine, qui est entièrement dévoilée. Elle, et ma culotte bleue.
J’ai toujours votre ruban rouge, papa et maman, accroché à mon poignet. Alors qu’importe mon allure, si vous êtes avec moi. Par contre, papa et maman, ne regardez pas trop la suite s’il vous plaît.
J’emboîte le pas à Klein et à Dusk. Les couloirs sont plus larges que ma chambre en foyer. Et lorsque j’entre chez Klein, j’ai l’impression d’avoir mis un pied dans un autre monde. Je ne sais pas si Klein vient d’emménager ou si c’est volontairement épuré.
- Bienvenue chez moi.
Habitée par une autre personnalité, de nouveau polie, je reste dans l’entrée, contemplant ce que j’ai à voir. J’ai l’impression de distinguer la dernière console de jeu sortie, et le dernier aspirateur performant. Comment j’ai fais mon compte pour tomber sur un riche héritier ?
J’imagine que ça me fait encore un point commun avec lui. Mais je crois que si je lui susurre encore une fois qu’on a plus en commun qu’il ne le pense, je vais m’en prendre une. Je le lui dirai si on se retrouve nus dans un lit, là j’accepterai une fessée.
Quoique, je préfère la lui donner.
- C’est …
A ton image ? Peu décoré ? Grand ? Qu’est-ce que je pourrai commenter d’honnête et pas vexant ?
- .. Epuré.
Une machine fonctionne dans une autre pièce. Je dirai bien un lave-vaisselle.
Je lève la tête vers le plafond, bouche légèrement ouverte d’admiration. Ton appartement est-il aussi luxueux que celui-ci, papa ? Dire que je n’y suis toujours pas. Je devrai faire demi-tour, arrêter cette mascarade. Tu es censé être ma priorité, papa.
Klein retire ses chaussures. J’aurai pu faire de même, mais je suis déjà pieds nus. Mes orteils sont couverts de terre, ma peau est trempée. C’est une belle représentation de ce que je dois être dans le monde Klein : une tâche. Ça me plaît.
Ce temps dans son appartement est une respiration après avoir eu le souffle coupé. Je retrouve mes pensées, renoue avec la Raison. Klein me tourne le dos tandis qu’il effectue ce que j’imagine être sa routine. J’apprécie la ligne droite de son dos, la façon dont l’humidité fait boucler les pointes de ses mèches blondes. Il émane de lui une virilité différente. Sa posture assurée, son regard incisif, ses gestes décidés, lui dessinent une forme de masculinité rassurante. Il est abrasif, mais généreux dans son affection. Comme un feu. Il me réchauffe et m’apaise par le son du crépitement. Mais si je joue trop avec toi, Klein, je ne vais pas que me brûler, n’est-ce pas ?
Je regarde ma main humide.
Il suffit d’un peu d’eau.
Klein s’approche. Lentement. J’accroche mon regard au sien. Ma respiration se fait plus profonde. Je dois aller chercher loin dans mon ventre pour trouver un rythme cardiaque régulier.
Son index effleure mon épaule, tire doucement sur ma bretelle. Je le défie du regard. Fais-la tomber, cette robe ne sert à rien. Elle me dessert. Me rendrait malade.
- On pourrait profiter d’un bain tous les deux…
Un bain.
Oh, c’est une bonne idée. Un bain chaud pour me rendre présentable pour mon père. Je me lave, m’évite la pneumonie, et file dans mon nouvel appartement. Ce serait bien plus raisonnable que de coucher avec un inconnu, quand bien même ça me brûle de me coller à lui.
Je fais un pas vers lui. Je pince un bouton de sa chemise entre mon index et mon pouce. J’ai l’impression d’être dans la forêt à nouveau, à jouer ainsi avec les distances. Je dois lui résister, je dois lui résister, je dois lui résister.
Tu n’as aucune protection sur toi, Everdina, de toute façon. Pas plus que tu n’as d’amour-propre. Tu prends un bain, tu t’habilles, tu t’en vas.
Mais c’est plus fort que moi, d’une impulsion du pouce, je défais un bouton. La peau de Klein semble étonnamment chaude sous le tissu mouillé. J’ai envie d’y faire parcourir ma main. De la poser contre sa cage thoracique. De me synchroniser à ses battements de cœur.
- Fais couler l’eau du bain si ça te chante, mais ça va être long. Je ne sais pas si tu es patient…
C’est si confus, si confus. Je le connais à peine. Je ne comprends pas mes états d’âme. Je l’ai tellement détesté tout à l’heure que l’émotion miroir est toute aussi puissante.
Je lève les yeux vers lui, laisse le moment flotter, et lentement, je me mords la lèvre.
Il va falloir bien plus qu’un bain pour laver mon âme.
KoalaVolant
- Fais couler l’eau du bain si ça te chante, mais ça va être long. Je ne sais pas si tu es patient…
D’un geste imperceptible, je saisis doucement sa main qui joue avec la peau de mon torse. Je savoure la spontanéité de ces gestes, qui sont si parallèles aux miens. Nos regards se cherchent, se défient, se questionnent. Mes yeux tombent sur ces lèvres qu’elle se mord doucement, comme une invitation à aller plus loin.
Une voix intérieure me met en garde, m’enjoignant de rester sur mes gardes, de résister à mes impulsions. Cette voix n’a aucune chance de me convaincre, je me laisse toujours aller là où mon corps le désire. Je n’ai pas peur de suivre mes instincts et je sais, je sais qu’elle ne peut rien m’apporter de négatif. Je n’ai jamais été prudent et elle est une trop belle tentation. C’est plutôt rare que je ramène quelqu’un chez moi. Je suis difficile, que ce soit concernant mon choix de partenaire ou concernant mon caractère plus généralement.
Je la ramène à moi, glissant mes mains dans son dos, venant saisir ses fesses pour l’attirer plus proche encore. Je ressens la chaleur de sa peau sous mes doigts, qui irradie. Et je la soulève du sol, sans grande difficulté. Elle est légère, cela ne me demande pas un énorme effort bien que mon cœur batte très fort dans mon cou. Maintenant je dois lever la tête pour pouvoir admirer ma jolie petite inconnue. Nos corps se touchent, s’échangent leurs chaleurs. Je repense à notre coup de sang dans la forêt, et je ressens pour elle un désir plus puissant que je me dois de contenir encore quelques instants.
Je me dirige vers la salle de bain, ouvre la porte du pied pour dévoiler l’endroit le plus luxueux de mon appartement, le seul qui soit déjà totalement aménagé. Une série de produit et de soin s’aligne sur le rebord du robinet, dans un ordre qui semble prédéfinit témoignant de ma méticulosité. Je suis soigneux de mon apparence, j’ai appris que c’était un atout majeur pour obtenir ce que je désire. Et je désire beaucoup de chose.
Lorsque je passe la porte, je fais attention qu’Everdina ne se cogne pas dans l’encadrement, elle a beau être chétive, elle est loin d’être petite.
Dans la pénombre de la salle de bain, j'entre avec elle, laissant la lumière du couloir éclairer suffisamment la pièce. La baignoire est grande, et à côté, une large plaque en chêne blanc repose sur un radiateur. Le rebord en caoutchouc transparent de cette dernière lui donne des airs de couvercle tupperware. Je pose précautionneusement les pieds dans la baignoire, me fichant pas mal d’être encore habillé et vient embrasser le cou gracile d’Everdina, m’appuyant sur le mur à côté de moi. Puis je la laisse doucement glisser dans le bain, sans manquer de venir fondre sur elle pour embrasser ces lèvres dans un baiser passionné. Mes mains, enfin libérer de sa charge peuvent se balader sur sa robe, venir jouer le long de sa côte, trouver un chemin jusqu’à ces seins, explorer son corps avec une avidité palpable.
J'actionne le robinet du bain et de l’eau froide s’en échappe, me tirant un soubresaut glacé. Mais l’eau se réchauffe rapidement pour atteindre une température plus agréable.
Fleur Bleue
Il me soulève, avec une facilité déconcertante. Ce n’est pas le moment pour avoir des complexes sur ma minceur, mais je me sens si légère dans ses bras que mes démons viennent ricaner dans ma tête. Mon tri alimentaire a des conséquences sur mon métabolisme, et mon corps prend du temps pour dessiner ses atouts féminins.
Mais le regard que m’adresse Klein me fait comprendre qu’il n’y a que moi qui suis perturbée par mon poids. J’ai l’impression qu’il me traverse, qu’il me transperce, qu’il me voit au-delà de ce que je ce que parait. Son expression est moins lubrique que celle que m’adresse d’ordinaire mes amants. Son désir est brûlant et contagieux, mais il n’est pas assombri par la perversité. Il s’attarde sur mon visage, mes seins, mes fesses. Il ne peut pas se dire qu’il est un champion de s’être tapée une meuf mineure. Je ne suis pas un trophée, une victoire à remporter.
Ou si c’est le cas, Klein, tu caches très bien ton jeu.
Il me promène avec précaution. Je me voûte lorsqu’on passe une porte. Mes bras sont posés négligemment sur ses épaules. Mon visage fait face au sien, dans une proximité qui engage une intimité émotionnelle. Mes cheveux tombent sur ses clavicules, encadrant en deux rideaux respectifs nos deux visages.
Est-ce que je le trouve … attirant ? Dans la forêt, il ne m’intéressait pas du tout. Pourquoi ici, dans ce contexte, je lui trouve quelque chose d’irrésistible ?
La pièce dans laquelle il m’amène est sombre. Seul un faisceau lumineux du couloir me permettrait de distinguer un minimum la nouvelle pièce. Mais je ne m’y intéresse pas. Il enjambe quelque chose. Je me voûte de plus belle. Mon front se colle au sien.
Ses lèvres sur ma peau me rappelle l’activité à laquelle on est censé s’adonner. Je plonge mon nez dans ses cheveux, offrant ma chair à ses lèvres, tandis qu’on perd en gravité. Le froid de la faïence dans mon dos me fait comprendre que je suis dans une baignoire.
Ah oui, le bain.
Tout s’enchaîne. Ses mains qui se promènent sur mon corps. Un jet d’eau glacé sur mes pieds qui m’arrache un gémissement. L’eau qui monte en se réchauffant. Elle atteint rapidement mes cuisses. Ma robe devient lourde dans l’environnement aqueux. Les pans de celle-ci remontent à la surface.
Je ramène mes jambes l’une contre l’autre, afin de laisser de la place à Klein pour s’installer de part et d’autre de mon corps.
Ses doigts dessinent la ligne de ma silhouette. Plus empressée, je joue avec les boutons de sa chemise avant de les défaire lentement, un à un. Je progresse jusqu’à son nombril, observant le tracé de son torse. Il n’est pas vilain, ce garçon. Le paysage est agréable.
J’essaie de trouver un savon, quelque chose, mais la pénombre m’empêche de distinguer les différents objets. Surtout qu’il y en a pléthore ! Drôle de type, c’est comme s’il avait plus de choses dans sa salle de bain que dans son salon.
Je glisse mon index entre la couture de son pantalon et celle de sa peau. Un sourire m’anime. C’est précisément ce geste idiot qui nous a amené à nous embrasser dans la forêt, et à nous retrouver dans cette situation. Dans un bain, avec nos vêtements dans l’eau. On a l’air d’être de drôles d’énergumènes, tous les deux. Incapables de simplement se jeter dans un lit, de façon conventionnelle. Mais bon, si je lui dis encore qu’on se ressemble, il risque de s’emporter.
Je le tire à moi, parce que cette fois, c’est moi qui nous rapproche. Je pose mes lèvres contre les siennes, répondant à l'avidité de ses caresses par un baiser gourmand. Ma langue rencontre la sienne, le souffle me manquerait presque. Et je presse son entrejambe contre la mienne.
Putain de pulsions humaines. Je disais que je n’irai pas jusqu’au bout. Que je prendrai juste un bain. Mais il a fallu qu’il me mette dans ce dit bain aussi, l’idiot. A croire qu’il a lu mes plans dans ma tête. Ce serait possible, il m’a tout l’air d’être un démon ce garçon. Qu’il ait des pouvoirs télépathiques ne me surprendrait pas.
Je fais quoi ?
Ma tête pense mais mon corps s’est détaché d’elle. Il agit en opposition à ma pensée.
Je ne sais pas où je trouve la courage de me dissocier quelques secondes de mes pulsions, séparant ma bouche de Klein pour lui demander :
- Mh … Est-ce que…
C’est toujours nul de poser cette question.
- Où est-ce que tu ranges tes protec’ ?
Je me mords la lèvre et bat des cils. Ma raison supplie la Grande Déesse pour qu’il n’ait rien, que cela coupe court à notre échange, et que je m’en aille. Que je sois un minimum raisonnable. Mais mon ventre m’intime de rester quoiqu’il. J’ai un drôle de pressentiment.
KoalaVolant