L'excitation le vivifiait. Il avait tellement hâte d'enfin rencontrer la copine de Kassie. Il allait enfin pouvoir poser un visage sur ce prénom mystérieux. « Psyché », comme Kassie l'appelait. Une sorte de private joke, semblait-il. En tout cas, il avait envie de jouer le jeu. De son côté, il avait longuement réfléchi à un surnom qu'il pourrait utiliser. Il avait fait ses recherches, et Psyché était une princesse grecque dont la beauté rivalisait avec celle d'Aphrodite. Dans un sens, ça l'effrayait car pour avoir un tel surnom, elle devait ressembler à une mannequin hollywoodienne.
Donc pour trouver un surnom masculin des héros grecs, il avait longuement épluché les diverses pages internet qui traitaient du sujet. Il avait fait une liste des personnages masculins avant de rapidement lire leur histoire, et finalement garder que ce qu'il trouvait cool : Hélios. Il adorait l'été, le soleil, la chaleur, et il était blond : qui pouvait-il être d'autre ?

Alors c'était Hélios, le dieu du Soleil. C'était qu'il pétait la classe. Certains tableaux le dépeignaient d'une telle prestance, c'était magnifique. En réalité, Ethan était bien loin d'effleurer une telle personnalité, mais une chose était sûre : s'il n'en était pas le Dieu, alors il était un rayon du Soleil.
Et quel rayon : tout sourire, presque en sautillant, il se dirigeait vers le petit café où l'on pouvait peindre nos propres tasses. Il avait voyagé dans leur feed Instagram, et toutes les créations étaient adorables. C'était le lieu parfait pour apprendre à connaître cette fameuse Psyché. Et aussi, connaître son vrai prénom. Il ne voulait pas s'approprier leur façon de s'appeler, même si c'était drôle - et qu'il s'y greffait en empruntant le nom Hélios.

L'écharpe autour du cou, le bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles représentant un ourson, le manteau duveteux parsemé d'oursons, il avançait joyeusement vers ce petit café. A quoi pouvait-elle ressembler ? Comment avait-elle fait pour percer la carapace de Kassie ? Elle était sa première expérience lesbienne, ce n'était pas rien. La personne à lui faire changer de bord, à la détacher des hommes. Kassie, celle dont le regard sautait d'hommes en hommes pouvant se transformer en amants. Quoi de plus normal : elle était sublime, tous les hommes se poussaient au portillon. Et même les femmes désormais !

Il vit une silhouette qui se tenait droite devant le lieu de rendez-vous. Une chevelure légèrement rousse, une taille fine, l'air sérieuse et unicolore. Elle ressemblait à une page blanche qui n'attendait qu'un coup de pinceau pour lui ajouter de la couleur.
C'était l'exact opposé d'Ethan qui osait s'approprier des vêtements d'enfants, colorés et imprimés.

-  Coucouuuu c'est toi Psyché ? Moi c'est Hélios !

Il lui adressa un clin d'oeil, tout sourire. Fier d'avoir fait sa petite blagounette et d'avoir fait des recherches au préalable. Un peu comme une préparation pour un entretien professionnel. En tout cas, elle était vachement belle ! Elle méritait son surnom de Psyché, la rivale d'Aphrodite. Kassie a toujours eu de bons goûts, de toute façon. Elle avait cette ambivalence, cette contradiction entre son visage presque poupon et son regard adulte. C'était bizarre mais pas inattractif.

-  Je pense que t'as du l'avoir aussi, mais Kassie m'a envoyé un message. Elle pourra pas venir tout de suite à cause de la série. Ca te dit qu'on l'attende à l'intérieur ?
   

Sa réponse du tac au tac, un peu sèche, le surprit légèrement. Il resta quelques secondes silencieux, à l'observer sans la dévisager pour autant. En fait, il ne s'attendait pas à un tel manque de chaleur. Kassie n'avait jamais été avec des personnes aussi introverties. Il l'avait toujours vue entourée de personnes qui osaient s'exprimer sans crainte, que ce soit par la parole ou l'attitude. Il l'imaginait s'ennuyer avec une personne qui était enfermée sur elle-même.
Bien entendu, il était trop tôt pour la juger. Ils ne se connaissaient pas, il était l'ex petit copain de son actuelle petite amie et leur seul lien relationnel était bloqué par le travail. Le stress avait du prendre le pas sur sa personnalité.

Il lui adressa un sourire, malgré tout content de faire sa rencontre. Et puis, si elle n'osait pas partager sa personnalité, il allait faire en sorte de la mettre à l'aise et de lui montrer qu'il n'était pas un danger. Au contraire, il voulait qu'elle sache qu'il était un soutien.

-  Ok, pas de soucis ! On peut l'attendre dehors.

Il s'installa à côté d'elle, debout, dos à la bâtisse en scrutant l'horizon. Tel un enfant, il ne fallut pas longtemps avant qu'il prenne ses pieds pour une balançoire. Rester immobile, c'était compliqué pour l'anglais. De même pour son visage qui balayait l'air de gauche à droite.
Puis il rompit le silence. Pas parce qu'il était trop lourd, mais parce que c'était dans sa nature d'apprendre à connaître les gens et de créer du lien.

-  Je suis hyper content de voir que Kassie a réussi à trouver quelqu'un qui puisse être là pour elle et la rendre heureuse.

On pouvait nettement percevoir de la sincérité et du soulagement dans sa voix. Le livre ouvert qu'il était ne lui donnait pas la possibilité de mentir. Et si cela permettait de mettre à l'aise Psyché, alors il était d'autant plus heureux. Une pierre, deux coups finalement. Sans l'avoir vraiment calculé.
Il appuya son aveu en lui jetant un regard pétillant, ce même sourire qui réchauffait son visage.

- Et je suis conscient que je suis son ex et que tu peux avoir du mal avec ça. Si je peux te rassurer, Kassie c'est vraiment un peu comme ma sœur maintenant.

Il mit une pause dans sa phrase en plissant les yeux et en sortant la langue, une expression exagérée de dégoût qu'il ponctua d'un :

- Et vraiment, je suis pas dans l'inceste.
   

Cette demoiselle était sans nul doute un mystère. A la fois d'une perspective plus personnelle, où Ethan n'arrivait décidément pas à savoir si elle appréciait ce moment ou non, et en même temps, d'une perspective davantage tournée vers Kassie. Comment la fougueuse et furieuse Kassie, habituée à des relations avec des personnalités plus vives et entrainantes, avait pu trouver du charme à un tel bloc de glace ?  Cette jeune femme, immobile, comme gravée dans la roche, ne prit même pas la peine de tourner son visage vers lui pour répondre. Seuls ses yeux, inlassablement fixés sur l'horizon, daignaient faire l'effort de reconnaître son existence.
Fort heureusement pour la suite, Ethan n'était pas du genre à être mal à l'aise pour si peu. Il n'y voyait pas là un défi, mais plutôt une chance de côtoyer ce genre de personnalités. Si le blond avait l'habitude de passer son temps avec des personnes joviales, assumées ou grandes gueules, il était rarement avec des personnes aussi taciturnes et fermées à la discussion. A croire qu'il l'avait forcée à rejoindre cette petite fête de rencontre. Un peu une passation de petite amie, comme au sport. Une course de relais. Il se demandait malgré tout si la comparaison allait plaire à cette nouvelle rencontre glaciale.

- Une chance que tu ne la considérais pas comme une sœur avant, dans ce cas.

Pour répondre à sa petite blague, il grimaça à nouveau en poussant un :

- Eurk, imagine ?

Et pour appuyer davantage ses propos, il releva la manche de son manteau pour lui présenter son avant-bras. Ses poils étaient hérissés. Etait-ce vraiment par dégoût ou plutôt provoqués par le froid qui enveloppait son corps ? Pas vraiment moyen d'en être sûr. Mais malgré tout, il poursuivit dans son discours :

- J'en ai la chair de poule rien que d'y penser.

A bien y réfléchir, il ne savait pas trop comment elles s'étaient rencontrées. Lorsqu'il avait discuté avec Kassie de cette Psyché, il avait rapidement tout oublié en consommant trop de cocktails dans trop de bars. Il lui était d'ailleurs impossible de retirer ce voile flou sur cette soirée. A croire que les nouvelles expériences de Kassie détachées de l'hétérosexualité avaient été englouties dans un océan d'alcool dont il était impossible de se défaire.
Il croisa ses bras, rangeant ses mains sous ses aisselles, et fit un pas vers Psyché pour réduire légèrement leur distance trop éloignée à son goût. Il se pencha discrètement vers l'avant, juste pour apercevoir plus facilement son visage.

- Je me demandais comment vous vous êtes rencontrées ? J'aime trooop savoir comment les histoires d'amour commencent !

Et il sentait qu'il allait se régaler d'entendre sa version ! Même s'il n'avait pas entendue celle de Kassie...
   

Les yeux pétillaient d'impatience, prêt à entendre cette histoire. Il imaginait déjà tout un scénario où elles s'étaient rencontrées sous la pluie, s'étaient bousculées et bam, le coup de foudre. Après tout, pour lui c'était un peu le cas. Quand il avait rencontré Kassie pour la première fois, c'était sous la neige et il avait tout de suite senti des palpitations dans son thorax. Il ne pouvait pas imaginer que cette Psyché ait été insensible au premier regard.
En réalité, Ethan était surtout un grand romantique pour qui les coups de foudre désignaient des amours grandioses. Ils étaient aussi bien souvent synonymes de rapidité et d'instabilité...

- Il pleuvait.

Jusqu'ici, sa théorie était la bonne. Et au vu du caractère loquace de Psyché, il ne s'attendait honnêtement pas à un long discours ou un roman à l'eau de rose. D'autant plus avec une voix aussi amoureuse que celle qu'elle utilisait pour décrire leur rencontre. A croire qu'elle parlait du beau temps avec Ethan. Le manque d'émotions dans ce peu de mots tiqua tout de même l'anglais. Il se demandait si elle ressentait vraiment quelque chose pour Kassie. Si ça avait été lui, ou même Hendrick il se serait épanché sur des détails, sa voix aurait été colorée de bonheur et laisserait échapper une floppée de papillons. Alors que Psyché le racontait comme si c'était lundi matin, à la pause café, devant des collègues qu'elle n'appréciait pas plus que ça.

- Son maquillage avait coulé. Elle m'a demandé un mouchoir.

Il ne savait pas trop ce qu'elle faisait les yeux fermés, posant ce silence religieux suite à ces mots. Il ne savait pas s'il pouvait parler, en fait. Avait-elle fini ? C'était tout ? Leur belle histoire d'amour avait commencé par une pluie et un mouchoir ?
Connaissant Kassie, il s'attendait à quelque chose de plus rocambolesque. Mais en y repensant bien, ça ressemblait bien à leur rencontre.

- Il était tard, alors je l'ai raccompagné jusque chez elle.

Ethan opina vigoureusement, presque obligé d'accentuer ses paroles à cause du manque d'émotions de la part de son interlocutrice. Le peu qu'elle partageait n'arrivait pas à satisfaire ce cœur réclamant des romances semblables aux comédies musicales.

Cette Psyché était tout de même une personne particulière. Elle présentait quelques traits autistiques... Il demanderait à Kassie plus tard si ces soupçons étaient avérés. Pour l'heure, il voulait partager à son tour sa rencontre avec leur belle blonde :

- tu sais que je l'ai aussi rencontrée alors qu'elle était en pleurs ?

A ce doux souvenir, une expression nostalgique teinta son visage d'un léger sourire. Le temps avait passé à une vitesse, il n'arrivait pas à croire qu'ils se connaissaient depuis plus de dix ans désormais. Et qu'ils s'étaient retrouvés après une longue période pour poursuivre leur amourette d'enfance. Elle n'avait pas duré, et heureusement pour Psyché finalement. Elle pouvait s'amouracher et plonger corps et âme dans sa relation avec Kassie. Enfin... Espérait-il qu'elle ressentait au moins de l'affection pour elle. Heureusement que l'ouverture d'esprit du lieutenant ne prit pas ce manque d'enthousiasme pour un red flag. Bien qu'au fond de lui, il était un peu inquiet... Kassie était une jeune femme ayant besoin d'action pour extérioriser le feu qui brûlait en elle.
Déjà qu'Ethan n'était pas toujours suffisant, il doutait que cette jeune femme puisse contenir les flammes de sa petite amie.

- On avait, genre, je sais plus trop, une dizaine d'année ? Je venais d'arriver à New Amsterdam - mes parents avaient des affaires à régler - et c'est là que je lui ai donné mon bonnet. Tu l'as peut-être déjà vu ? Il est rouge et pas mal abîmé maintenant.

Il ponctua cette anecdote d'un rire innocent, enfantin. Tous ses souvenirs d'enfance avaient une douce saveur sucrée. Il adorait s'y replonger, là dans des temps où les responsabilités étaient inexistantes et où seul l'amusement comptait. C'était un sentiment qu'il retrouvait très souvent quand il était avec Hendrick, d'ailleurs. Ce n'était pas étonnant qu'il aime autant passer de temps avec lui. Ni qu'ils soient aussi proches.

- T'es sûre que tu veux pas rentrer ? Il faudrait pas qu'on prenne froid ou qu'on attrape un rhume parce qu'on l'attend. Et puis, elle sait où on est. Je suis sûr qu'elle va râler en sachant qu'on est resté plantés là à l'attendre dehors.

Il jeta un coup d'oeil aux alentours, et trouvait ça dommage de ne pas y avoir de neige. Ils auraient pu faire une bataille de neige en attendant. Ca aurait eu le don de briser la glace !
Il se permet de se tourner légèrement vers le café, comme pour amorcer le mouvement.

- Et tu fais quoi dans la vie, toi ? T'es actrice, comme Kassie ?
   

A sa plus grande surprise, elle ne tarda pas à faire connaître sa réponse. Il était presque devenu habitué à cette conversation à sens unique, où Ethan racontait sa vie et posait mille questions comme s'ils étaient en salle d'interrogatoire. Ce n'était sûrement pas le métier qui changeait sa vie privée et la façon dont il se comportait : il avait toujours été comme ça. Dans l'expression, l'extraversion, l'intérêt dans les autres. La beauté dans la différence et dans l'échange. Alors, même si Psyché ne lui accordait que très peu d'intérêt, il appréciait cet instant de rencontre. Certes, il avait un doute inconscient sur les sentiments de Psyché ou même un potentiel autisme chez Weiss, voire carrément une aversion envers l'anglais, mais il voulait vraiment la connaître. Cette jeune femme, à l'air impassible, allait partager la vie de Kassie

- J’ai travaillé sur un bateau. Et actuellement, je suis garde du corps.

Il ne masqua pas sa surprise. Cette demoiselle, l'air chétive, n'avait rien d'une combattante ni d'une femme de la marine. Elle était sobre, discrète. Dans le secret, presque. Elle semblait poser ses mots, les choisir avec précaution. En fait, c'était comme si elle choisissait de donner le strict minimum en espérant que cela satisfasse le désir d'Ethan de la connaître.
La plupart des gens se serait un peu épanché sur leur parcours scolaire, sur les spécificités de leur métier, leur entreprise ou aurait tout simplement renvoyer l'ascenseur en posant la question à leur interlocuteur. Mais pas avec elle. La présence d'Ethan la dérangeait-elle à ce point ? Il ne pouvait pas croire que ce soit cela.

Elle finit par céder à sa demande, pénétrant dans le café. La chaleur fut presque agressive tant la différence de température entre l'extérieur et l'habitation était élevée. Il retira immédiatement ses habits d'hiver, ses joues soudainement rouges justifiaient cet empressement.
Il suivit sans broncher Psyché qui choisit une table près d'une fenêtre.

- Vous avez été ensemble longtemps ?

Il arrêta son geste, ayant amorcé la prise en main du menu. Les yeux posés sur Psyché, il fut surpris de l'intérêt nouveau qu'elle lui portait. Même si en réalité, cet intérêt n'était motivé que par Kassie et son passif avec son ex petit ami. Et comme une simple question suffisait à faire d'une réponse un roman, il ne se fit pas prier :

- Hmmm... Tout dépend, en fait. On a connu pas mal de breaks, mais je pense qu'en tout et pour tout on a du faire une année ensemble.

La complexité de leur relation résidait dans plusieurs points. Le premier, c'était le caractère sulfureux de Kassie. Elle était constamment en recherche de conflit, ou en tout cas c'était son mode de confort. Elle appréciait passer du temps chez Ethan, probablement pour éviter les addictions de son père. Mais cet esprit combattif n'avait jamais vraiment dérangé Ethan qui comprenait qu'elle était comme ça parce qu'elle a du se façonner à cette image.
Et le deuxième, celui qui aura eu raison d'eux, c'était le conflit entre le métier d'Ethan et la revente de drogue de Kassie. Elle avait eu la bonté et la lucidité nécessaires pour briser leur aventure pour le bien-être d'Ethan, trop amoureux pour en prendre la responsabilité. Il préférait se complaire dans ce conflit par amour plutôt que d'imaginer sa vie sans elle.
Bien que depuis, c'était bien différent. Il n'osait pas imaginer sa vie sans son âme sœur amicale.

- Mais clairement, je vous souhaite de durer encore plus longtemps. Ce sera pas difficile, je pense !

En vérité, il n'en savait rien. Mais il préférait regarder dans un spectre positif leur romance, même si cette Psyché ne l'aidait pas.

- D'ailleurs, Kassie c'est ma seule histoire. Je crois que c'est assez rare, d'avoir vécu une seule romance. Je ne sais pas si c'est ton cas, toi aussi ? C'est ta première petite amie ? Ou tu as eu quelqu'un d'autre avant ?

Alors que la serveuse s'approcha de leur table pour prendre leur commande, il lui demanda les fameuses tasses à décorer mais également un chocolat chaud, puis laissa Psyché décider pour elle-même et pour Kassie.
   

Il commençait à s'habituer à cette étrange demoiselle. Il savait que ses réponses allaient être rapides, efficaces, sèches. Et que derrière, Ethan allait user de son extraversion pour lui proposer de quoi rebondir. De toute façon, il voulait vraiment apprendre à la connaître. Car pour être à ce point différente en tout point des exs de Kassie - que ce soit dans le caractère ou dans le genre - elle devait vraiment avoir quelque chose de spécial. Ou alors... C'était un jeu de découverte pour Kassie. Ce ne serait ni la première, ni la dernière fois. Il connaissait bien son ex maintenant, il savait quel genre de femme elle était. Elle savait se trouver malgré elle dans des situations incontrôlables. C'était surtout parce qu'elle n'avait connu qu'une certaine forme de vie, et qu'on ne lui avait rien appris d'autre que la misère.
Mais Ethan était persuadé qu'entourée des bonnes personnes, Kassie allait pouvoir remonter la pente. Doucement, mais sûrement.

- J'ai eu un petit ami avant Kassie. Mais ça n'a pas fonctionné.

Ethan eut un petit sourire. Effectivement, et heureusement que ça n'avait pas fonctionné. Enfin, s'ils étaient toujours ensemble, il se doutait bien qu'elle n'allait pas être en couple avec une autre personne. Il ne pouvait pas s'empêcher de se demander quel genre de petit ami elle avait pu avoir. Est-ce qu'il ressemblait à Kassie ? Ou alors, c'était son opposé ? Et est-ce qu'elles étaient les premières petites amies de l'une et de l'autre ?
Tant de questions qu'il voulait poser. Il empêcha sa bouche cependant d'exprimer ces questions, ne voulant pas mettre Psyché mal à l'aise.

- Quand tu parles de "breaks"... Qu'est-ce que c'est ?

Ses yeux bleus se posèrent sur le visage de Psyché, stupéfaits. Cette jeune demoiselle avait plus que vraisemblablement des traits autistiques, même si le fond derrière la question était adorable. Ne pas savoir ce qu'étaient des breaks, c'était aussi et surtout prometteur. Ca voulait dire que ses anciennes relations étaient saines. Parce qu'il était bien conscient que celle qu'il avait eue avec Kassie n'avait pas été très saine pour les deux, surtout vers la fin.
Il afficha un sourire, posant son visage dans la paume de sa main droite. Quant à l'autre, elle avait agrippée une serviette en papier et jouait un peu avec.

- Je sais pas ce que t'as vécu avec ton ex, mais par exemple quand tu sens dans ta relation que vous êtes sur le point de rompre mais que vous vous aimez encore, vous faites une pause. En gros, ta relation n'est pas finie, mais pendant la pause c'est comme si elle l'était. C'est comme, euuh...

Il essaya de trouver un exemple plus glamour que les jeux vidéos, mais il n'y arrivait pas. Il décida d'utiliser malgré tout cet exemple, n'ayant que ça sous la dent pour illustrer son propos :

- Imagine, tu joues à Mario Kart. Quand t'appuies sur pause, ta partie n'est pas finie. Bah c'est pareil pour les breaks, mais en mode relation ! Et faut définir un peu ce que t'as le droit ou non de faire parce que sinon y'aura un quiproquo comme Ross et Rachel.

Quelle vieille référence, mais très parlante. Quand Ross pensait qu'un break donnait la possibilité d'aller ailleurs, Rachel pensait que la fidélité allait tout de même de paire avec le break. Ethan était plutôt de cet avis également, bien qu'il pouvait comprendre pourquoi les personnes pensaient comme Ross. Une pause pouvait aussi être synonyme de ne plus avoir de devoir ni d'obligation envers son ancienne moitié.
C'était assez complexe, en vérité. De toute évidence, il valait mieux communiquer sur les conditions des breaks. Ou ça pouvait terminer en véritables ruptures.

Au fond, Ethan était du genre à penser que les breaks ne devraient pas exister. Si on était heureux ensemble, il n'y avait pas de raisons pour mettre son couple en pause. C'était quelque chose qu'il n'avait pas vraiment compris avec Kassie, mais il était allé dans ce sens pour éviter de la perdre définitivement.

- Après, avec Kassie ça devenait un peu compliqué parce que j'ai découvert qu'elle avait des substances illégales et en tant que lieutenant, j'avais un peu le cul entre deux chaises donc...

Ce qui a causé la rupture. Eeeet il venait de faire une bourde, non ? Est-ce que Weiss était au courant que Kassie détenait de la drogue ? Est-ce qu'elles en avaient parlé, est-ce qu'elle l'avait vu ?
Ethan se figea, soudainement dans l'embarras. Il ne voulait pas créer une sorte de pré-dispute entre les deux à cause de sa maladresse.
Il se redressa, attrapant la serviette entre ses doigts et tenta de se débrouiller :

- Enfin, c'était il y a longtemps et maintenant je pense qu'elle en a plus... C'est sûr même ! Haha... Euuuh, du coup, garde du corps, hein ? T'as fait quoi comme étude pour en arriver là ? Tu vas à la salle et tout ? C'est pas trop dangereux ? Ca fait combien de temps que tu fais ça ?

Noyer le poisson, il fallait noyer le poisson...
   

Si la nervosité grandissait en lui à une vitesse fulgurante, titillant son ventre et fourmillant dans la pulpe de ses doigts, la jeune femme n'avait pas l'air de pourtant être touchée par cette soudaine révélation. Heureusement pour elle, les émotions qui avaient pris le contrôle et son incapacité à émettre des déductions l'empêchèrent de se poser plus de questions. Il était simplement un peu plus soulagé, prenant une faible respiration. Se calmer, c'était la solution. Parce qu'il ne pouvait pas gâcher une si belle relation pour Kassie qui tentait toujours de s'épanouir dans ses romances. Et celle-ci était différente, dans le bon sens. Elle avait un métier de l'ordre - et Dieu savait à quel point Kassie en avait besoin, d'ordre. Et rien que ce détail professionnel suffisait à Ethan pour savoir qu'elle était une bonne personne.

- Quelques mois. Les mafias rendent la ville dangereuse. En ce moment, c'est très souvent à risque comme métier.

Il suivit le regard de Psyché, cherchant son âme sœur à travers la vitre. Il parcourut la rue, balayant du regard les passants qui se pressaient ou qui profitaient de l'instant. Kassie pouvait avoir une démarche rapide, d'autant plus si elle était en retard en ayant laissé sa petite amie et son ex en pleine discussion. Et si Psyché avait été un peu plus loquace, nul doute qu'Ethan lui aurait déjà raconté une grande partie des anecdotes qui avaient ponctué leur ancienne vie de couple.
Mais apprendre à connaître cette jeune femme relevait d'un défi suffisamment grand pour ne pas l'embarrasser de leur passé.

Il remercia la serveuse lorsqu'elle apporta leur commande, réchauffant presque immédiatement son corps en prenant une belle gorgée de son chocolat chaud.

- Mais je suppose que c'est compliqué aussi pour la police. Tu as dit que tu étais lieutenant ?

Il ne manquait pas de temps et opina alors qu'il était toujours en train de boire. Il renversa, bien entendu, un peu de son chocolat sur son pantalon et sur la table, tirant une grimace à cause de la chaleur qui brûlait soudainement sa peau.
Il s'excusa rapidement, espérant qu'elle n'avait pas été touchée par sa maladresse, et attrapa la serviette ayant souffert de son jeu quelques minutes plus tôt pour essuyer sa gaffe. Son pantalon, puis la table. Elle risquait d'être un peu collante, désormais...
Il poursuivit, un peu gêné :

- Pour être honnête, étrangement ça va. Il y a eu un peu de remous on va dire, mais pas de guéguerre dangereuse.

ll observa à son tour à la fenêtre, tentant de débusquer Kassie parmi la foule. C'était un petit peu son "Où est Charlie ?" de l'instant présent.

- En fait, ce qui m'inquiète un peu plus, c'est la Maire, lâcha-t-il.J'ai déjà pu aller chez elle pour une mission et c'était pas fou. Je crois que beaucoup de gens l'aiment bien, j'avoue que je sais pas trop.

Après cette mission où ils avaient récupéré Ewald Beiler de son sous-sol par mégarde, il préférait prendre ses distances d'elle. Elle avait franchement l'air de traîner dans des affaires plus qu'inquiétantes. Certes, ce n'était pas un fait nouveau qu'elle était la cheffe d'une mafia de New Amsterdam, mais ça dépassait clairement le Zygomar. Ils n'avaient pas le matériel ni les équipes nécessaires pour ce genre d'opérations. Et vu l'influence de la dame.
Il soupira faiblement. Finalement, ce n'était pas plus mal. Ethan voulait protéger les gens de malfaiteurs, pas de tentaculaires réseaux impossibles à démanteler. Il n'avait pas la prétention d'être un super héro.

- Oh, ce serait pas Kassie là-bas ?

Au loin, une jeune femme blonde fendait la foule. Il n'était pas certain, comme elle était encore trop loin pour en être sûr, mais peut-être avait-elle enfin pu se libérer ?
   

C'était une réaction inattendue. Lorsqu'il avait aperçu Kassie, il n'avait pas prévu qu'un tel sursaut de fuite allait posséder les jambes de Psyché. Il avait l'impression de lui avoir annoncé être atteint de la peste tant son existence était si peu respectable. Il eut un petit pincement au cœur, les lèvres retroussées. Il trouvait ça normal qu'elle puisse être impatiente à l'idée de voir sa petite amie, mais de là à s'échapper de la table pour fuir la compagnie de l'anglais... Il ne savait pas trop ce qu'il avait pu dire pour la rendre à ce point mal à l'aise, ou comment il avait créé un tel sentiment de mal-être en discutant simplement avec lui. Certes, elle n'était pas loquace, mais il n'avait naïvement pas pensé que la raison puisse être lui-même.

Il réussit à se réjouir malgré tout de cette image, à travers les vitres du café. Son ex petite amie, souriante et tendre envers Psyché. Ce tableau était d'une telle douceur... Il n'avait pas pris le poids de cette rencontre finalement. Il était sincèrement heureux pour ces deux jeunes femmes, mais cela mettait en lumière sa propre solitude.

Deux émotions amères qui se mélangeaient en lui. Il n'aimait pas ça.

Il leur laissa leur petit moment - surtout que Psyché avait l'air d'en avoir besoin et que s'il se levait et quittait le café, cela serait pris pour du vol. Par respect pour elles et l'établissement, il resta sagement assis sur son siège. Il jeta un coup d'œil vers son téléphone. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait besoin d'un message d'Hendrick à cet instant précis.
Bien entendu : il n'arriva jamais.

Après quelques rapides émotions, le couple s'approcha du café et arriva enfin à sa hauteur, à l'intérieur. Il prit une petite inspiration, tentant de faire taire cette soudaine morosité. Il se promit qu'il s'excuserait envers Psyché, quoi qu'il ait pu dire ou faire qui l'ait blessée. Mais devant Kassie, ça n'était pas le moment ni l'endroit. Il aurait cette occasion une prochaine fois.
Il se leva pour accueillir la retardataire :

- Kassie ! Prête à peindre des tasses ?

Il s'empêcha, pour Psyché, de la prendre dans ses bras ou de démontrer physiquement son affection. A la place, il se contenta d'une vague tape sur l'épaule avant de se rasseoir devant son chocolat chaud à moitié rempli. Il ne trouvait pas l'ambiance étrange auparavant, et ne l'aurait probablement jamais senti sous cet angle si Psyché ne s'était pas à ce point précipité vers la sortie.
Autre chose bizarre qui tilta dans son esprit : pourquoi est-ce qu'elle se cachait derrière un pseudo ? Kassie elle-même lui avait avoué ne pas connaître son véritable prénom.
Sa déformation professionnelle s'attarda quelques secondes sur ce fait avant de le mettre dans un dossier mental nommé :"Pour plus tard".

Décidément, il fallait qu'il revoit cette Psyché.

- Comment ça s'est passé aujourd'hui ? C'était chouette ?

Il était pressé de pouvoir peindre des petites tasses, notamment pour se vider l'esprit. Mais il préférait s'intéresser à Kassie. Bien que son empressement fut nettement visible par la danse de ses jambes sous la table, sautillant joyeusement.